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mardi 18 novembre 2014

Dans la mer de Cortez

Dans la mer de Cortez

Auteur : John Steinbeck
Editeur : Actes Sud
Collection : Babel
ISBN : 978-2742783588
Prix : 9.70€
Nombre de pages : 377




Résumé :


En mars 1940, John Steinbeck s'embarque à bord du Western Flyer et entame une expédition scientifique dans les eaux du Golfe de Californie, appelé la mer de Cortez. Durant quelques semaines, il collectionne des centaines d'échantillons du monde marin. Pendant cette traversée il tient un journal de bord où il raconte l'avancée de ses recherches, mais aussi la vie sur le bâteau en compagnie d'un petit groupe de marins, ses rencontres avec les populations des différents ports où ils font escale et ses réflexions sur divers sujets.



Mon avis :


Avant de commencer ma lecture, j'avais un léger à priori sur ce livre car j'avais déjà lu quelques oœuvresde Steinbeck (Le Poney Rouge et La Perle) et je les avais trouvé franchement déprimantes. Donc je ne m'attendais pas à quelque chose de très joyeux mais finalement ce livre s'est révélé être une lecture agréable et Steinbeck apporte pas mal d'humour à son récit.

Ce livre raconte donc son expédition scientifique dans la mer de Cortez en compagnie de son ami le biologiste marin Ed Ricketts. Et autant le dire dés le départ on voit bien qu'il s'agit d'une expédition scientifique en amateur : ils avaient prévu des tas d'instruments et d'objets pour leurs travaux mais au final les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous. Entre la superbe malle hyper pratique et organisée qui est inaccessible pendant le voyage parce qu'elle est trop grosse et donc impossible à ouvrir fréquemment, le moteur du canot qui tombe constamment en panne au pire moment (ils en sont venus à la conclusion que ce moteur le faisait exprès, personnellement je pense qu'ils auraient dû essayer de l'exorciser) et leurs photos qui sont toutes ratées, les pauvres galèrent un peu. Mais tout ça contribue à amener des péripéties rocambolesques à ce récit de voyage et c'est très amusant à lire. En fait c'est la chose que j'ai préféré dans ce livre : la vie quotidienne de Steinbeck, Ricketts et des marins qui les accompagnent tient un rôle très important dans le récit, et les choses sont souvent racontées avec humour et légèreté. On alterne donc entre les scènes de collecte de coquillages et autres bestioles marines et entre les scènes de dispute sur qui fera la vaisselle ou qui a mangé la dernière part de tarte, les discussions et les parties de cartes. Et franchement ça fait du bien ces scènes de vie quotidienne parce que les moments de collecte sont particulièrement ennuyeux et répétitifs : ils racontent comment ils s'y prennent, comptent et décrivent les bestioles qu'ils ont capturés puis de retour sur le bateau ils expliquent la façon dont ils s'y prennent pour conserver leurs spécimens avec par exemple des descriptions scientifiques de la mise en bocaux des oursins ou des dissections. C'est intéressant les deux ou trois premières fois, mais comme ce sont plus ou moins les mêmes bestioles qu'ils attrapent et que Steinbeck peut passer trois pages à énumérer la liste de ce qu'ils ont attrapés au bout d'un moment ça devient vite lassant. Pour tout dire arrivée à la moitié du livre je sautais constamment ces passages parce que ça me soûlait profondément. Cependant ils ne passent pas non plus tout leur temps en mer ou sur des plages à ramasser des coquillages : il y a également dans ce livre de nombreux passages où le bateau fait escale dans des ports, moments que Steinbeck et Ricketts mettent à profit pour visiter des villes et discuter avec les autochtones. Ces passages sont très intéressants parce qu'on apprend pas mal de détails historiques et culturels sur la région, et certaines personnes rencontrées ont des anecdotes intéressantes à partager. Steinbeck s'est d'ailleurs inspiré de certains de ces récits pour ses œuvres suivantes. Après les scènes de vie quotidienne sur le bateau ce sont les passages que j'ai préféré dans ce livre.


Un extrait :


Partons, disions-nous, pour la mer de Cortez, conscients du fait que nous en ferons pour toujours partie, que nos bottes de caoutchouc foulant une prairie de zostères, que nos mains retournant les pierres dans les bassins de marée feront de nous un facteur réel et permanent de l'écologie de la région. Nous lui prendrons quelque chose, mais nous lui laisserons aussi quelque chose.



En conclusion :


Je ne m'y attendais pas du tout mais finalement ce récit de voyage est mon livre de Steinbeck préféré pour le moment. Je le trouve beaucoup plus joyeux que les autres récits que j'ai pu lire de lui. Si vous voulez lire un récit de voyage ce livre peut-être divertissant, du moins si l'on fait exception des passages de collectes de spécimens marins. Mais on ne perd pas grand chose à sauter une ou deux pages à ces moments. 


dimanche 16 novembre 2014

Cornes

Cornes 

Auteur : Joe Hill
Editeur : J'ai Lu
ISBN : 978-2-290-05434-5
Nombre de pages : 510 pages
Prix : 8.40 €





Résumé de l'éditeur : 


USA, état du New Hampshire. Ignatius Perrish avait tout pour être heureux : une famille riche et heureuse, un avenir tout tracé. Mais il y a un an, sa fiancée, Merrin Williams, est retrouvée morte. Depuis Ignatius sombre dans le désespoir, noie son chagrin dans l'alcool, accumule les aventures sans lendemain. Jusqu'au jour où des cornes lui poussent sur la tête. La surprise passée, il découvre que ces deux appendices lui donnent le pouvoir de faire avouer l'inavouable aux gens qu'il croise. Don macabre ou coup de pouce du diable ? L'assassin de Merrin n'a plus qu'à prier pour ne pas croiser son chemin ! 


Mon avis : 


J'ai trouvé ce livre plutôt déroutant et malsain mais en même temps très prenant. L'idée de départ est intéressante, et j'ai beaucoup aimé ce qu'en a fait Joe Hill. Le pouvoir que les cornes donnent à Ig est cool et en même temps on peut comprendre qu'il ne soit pas ravi de sa situation : avoir accès en illimité et sans aucun contrôle aux petits secrets de son entourage n'est pas toujours une bonne chose, surtout que ces secrets sont majoritairement glauques. D'autant plus que certains personnages ont énormément de choses horribles à cacher. 

La façon dont on découvre les personnages est d'ailleurs intéressante : on a à la fois les choses que Ig découvre grâce aux pouvoirs que lui donnent les cornes, mais il y a aussi beaucoup de flashbacks sur l'adolescence des personnages et plusieurs versions d'une même scène ce qui donne une confrontation des points de vue captivante et amène une réflexion beaucoup plus profonde que ce à quoi on pourrait s'attendre de premier abord. En fait ce livre amène à des réflexions sur énormément de sujets différents : la façon dont tout le monde dissimule des choses, le couple, la religion, le rôle du diable, la nature du péché, la culpabilité...

Mais ce que j'ai trouvé le plus intéressant et le plus flippant c'est la réflexion sur la façon dont les hommes peuvent considérer et iinterpréterleur relation avec les femmes. En fait Merrin est à la fois le personnage féminin le plus important de l'histoire et celle dont on ignore le plus. Durant tout le roman elle n'a pratiquement pas le droit à la parole, même dans les flashbacks où elle apparaît fréquemment. Au lieu de ça elle est constamment vue à travers le regard des personnages masculins, en particulier Ig et le méchant qui interprètent chacun à leur façon ses gestes et ses paroles sans tenir compte de ce qu'elle est vraiment faisant ainsi d'elle une sorte d'archétype idéal à mettre sur un piédestal ou à baiser. Et là où ça devient vraiment flippant c'est que le méchant apparaît comme la personnification absolue du Nice Guy qui détourne tous les actes des personnages féminins, et en particulier de Merrin, comme des démonstrations d'affection et considère le fait de pouvoir les baiser comme une chose qui lui est due et non discutable. Or cette partie du roman est traitée de façon beaucoup plus réaliste et Joe Hill montre au fur et à mesure que progresse l'intrigue comment la façon qu'a ce personnage d’interpréter toutes les actions de Merrin dans le sens qui lui convient est malsaine. Personnellement j'ai trouvé ça à la fois captivant et horrible dans la mesure où ce  personnage est vraiment glauque. C'est certainement le point de l'histoire qui m'a mis le plus mal à l'aise par son réalisme et son côté tellement malsain, bien plus que toutes les scènes surnaturelles et les détails gores qu'on peut aussi trouver dans ce roman.

A part ça j'ai également apprécié le style de l'auteur même si je pense qu'il est important de souligner que ce récit est parfois assez cru dans son langage et dans les faits qui sont racontés. J'ai particulièrement aimé les flashbacks, et heureusement parce qu'ils occupent une part conséquente du roman. J'ai trouvé que l'ensemble du livre se lisait plutôt bien malgré quelques longueurs par moment. 


Un extrait : 


Ig baissa la tête pour lui montrer les cornes. Il expliqua au médecin qu'il n'arrivait pas à discerner ce qui était réel et ce qui ne l'était pas, et qu'il craignait d'être atteint de délires.
- Les gens n'arrêtent pas de me confier des trucs. De me parler des choses affreuses qu'ils ont envie de faire, et que normalement personne n'avouerai. Une petite fille vient de me dire qu'elle voulait faire cramer sa propre mère dans son lit. Votre infirmière m'a annoncé tout de go qu'elle voulait bousiller la voiture d'une pauvre fille. J'ai peur. Je ne sais pas ce qui m'arrive."
Le médecin examina les cornes, soucieux, le front creusé de rides.
- Ce sont des cornes, déclara-t-il.
- Je le sais bien.
- Elles semblent enflammées à la pointe, poursuivit le Dr Renald en secouant la tête. Est-ce que ça vous fait mal ?
- Ah, fit le médecin, et il se passa une main sur la bouche. Voyons ça. Je vais les mesurer.
Avec son mètre à ruban, il mesura la circonférence, la base, puis l'espace de la tempe à la pointe et d'une pointe à l'autre. Il inscrivit quelques chiffres sur son bloc de prescriptions. Puis il les ausculta en les tâtant de ses doigts calleux, l'air attentif, pensif, et Ig sut quelque chose qu'il ne voulait pas savoir. Il sut que deux ou trois jours plus tôt, debout dans la pénombre de sa chambre, le dr Renald s'était masturbé, caché derrière un rideau, tout en reluquant de sa fenêtre les amies de sa fille de dix-sept ans qui s'ébattaient dans la piscine.


A savoir : 


Une adaptation de ce roman est sortie au cinéma le mois dernier. Avec Daniel Radcliffe dans le rôle principal. J'ai loupé ce film et j'en suis assez triste parce que j'aurais voulu voir comment ils ont pu adapter ce roman. Néanmoins voilà la bande annonce : 




En conclusion : 


Un livre intéressant, avec un côté beaucoup plus réflexif que ce à quoi je m'attendais au départ. L'idée de base est plutôt cool et j'aime ce qu'en a fait Joe Hill. J'ai aimé son style aussi donc je pense que je lirai ces autres œuvres. Par contre c'est plutôt un livre à conseiller à un public averti qui n'a pas peur des gros romans.